Leucate en famille

Papa : la preuve vivante que je n’étais pas si normal que ça.

L’illusion de la normalité

Pendant longtemps, j’ai cru pouvoir être un père comme les autres, ou du moins, un père comme n’importe qui d’autre. C’est en devenant papa que j’ai réalisé à quel point cette normalité n’était qu’une illusion. Avant l’arrivée de Simon, je me disais que ma petite différence n’était qu’un détail amusant. Il me suffisait de laisser croire aux autres à un accident de ski (étrangement, ça marche aussi en plein juillet). J’ai passé des années à minimiser mon handicap, qui est en réalité bien plus qu’une simple bizarrerie. J’ai adapté ma vie à ma condition sans m’en rendre compte. Mon mariage, par exemple, était fait d’activités « adaptées » : des marches, jamais de marathon, du vélo mais jamais trop loin. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Quand la réalité nous rattrape

Et puis, est arrivé le petit Simon. C’est là que les choses ont commencé à se corser. J’ai continué à m’organiser pour me débrouiller, sans réaliser à quel point mes méthodes étaient… inhabituelles. Mais plus il grandissait, plus je pensais qu’il attendait de moi que je sois un « vrai » papa, un papa comme les autres. Ces attentes, que j’ai peut-être inventées de toutes pièces, ont mis en lumière (d’une lumière bien peu réjouissante) mon handicap. J’ai dû l’accepter, et surtout, trouver des solutions pour être un papa « presque comme tout le monde ».

C’est là que j’ai dû me résoudre à chercher dans la « section pour personnes handicapées » pour la première fois. Ça a été un coup dur. J’avais l’impression d’avoir perdu une bataille. Une bataille contre ma propre normalité. Car si certains voient le handicap comme une porte ouverte à des opportunités ou des passe-droits, pour moi, c’était le début d’une quête d’adaptations, souvent coûteuses et spécifiques, juste pour maintenir un semblant de quotidien « normal ». Et, c’est donc là que le HandBike est entré en scène.

Un rêve de gloire (et une bonne dose de réalité)

Plus je roulais avec, plus j’avais le sentiment d’être le seul spécimen de HandBike dans ma région. Les rares que je croisais étaient motorisés. J’avais enfin trouvé mon truc, ma place. Un monde s’ouvrait à moi, et j’ai même commencé à rêver des Jeux Paralympiques. Je me sentais fort, invincible, surtout que j’étais à ma connaissance le seul compétiteur… C’était facile de gagner quand il n’y a personne en face !

Je me suis lancé dans une quête de gloire, une illusion supplémentaire pour éviter de regarder en face le véritable défi : celui d’être un père au quotidien. J’ai cru que le sport me donnerait la légitimité que je cherchais, que la victoire sur les autres masquerait mes propres faiblesses, et que je deviendrais un gagnant aux yeux de mes enfants.

Ce rêve de gloire m’avait fait oublier la raison pour laquelle j’avais commencé : vivre pas à pas comme n’importe quel papa. J’ai alors décidé de participer à une course à Mettet puis à un jogging à Esneux pour voir ce que ça donnait. Grosse claque. J’ai vite compris que dans le handisport, la même mentalité de la gagne existait aussi bel et bien, avec également une comparaison de matériel tout aussi présente que dans les sports valides. Je me souviens rentrer et dire à mon épouse que tout est foutu, que mon handbike qui ne coûtait pas 10 000 € avait été considéré comme super naze. À ces courses, même si nos fidèles destriers et nos handicaps laissaient planer le doute sur qui avait vraiment le mérite de gagner, ce n’était clairement pas une « petite balade entre copains ».

Le poids de la gloire

Cette expérience m’a fait réaliser une chose profonde : nous, les « cassés », nous aspirons à briller comme n’importe qui d’autre…peut-être même plus encore. Comme si nous allions enfin passer de bête de foire à Apollon. Et briller dans le sport, là où personne ne nous attend, c’est encore plus puissant. Mais pour y arriver, certains s’infligent une pression monstrueuse. Certains sont prêts à sacrifier leur temps, leurs vies, leurs familles, leurs amitiés, tout cela pour un exploit. Pour une reconnaissance. Ce n’est pas un accès facilité ou un domaine réservé aux privilégiés, mais bien le fruit d’une lutte acharnée, souvent avec des équipements spécialisés conçus pour la performance.

Un sport au quotidien

Ce n’est pas un hasard si je me suis mis à écrire. J’ai trouvé triste de ne chercher que les grands exploits, alors que notre quotidien, avec ses handicaps, est une victoire en soi. Et c’est ce quotidien dont je veux vous parler. Devenir parent avec un handicap, c’est un défi encore plus gros dont on parle trop peu. On parle plus souvent de vivre avec un enfant avec un handicap. Pourtant, pour une personne à mobilité réduite, le moindre geste, la moindre organisation, c’est comme un sport de tous les jours. C’est déjà un combat constant pour ne pas que notre handicap empiète sur le temps que nous devrions passer avec nos familles, ou nous empêche de vivre certaines activités. Ce temps que l’on perd à cause de nos difficultés, c’est le temps que l’on n’a pas avec nos proches. C’est aussi de cela que je veux témoigner.

Nous sommes livrés à nous-mêmes. Et, bien sûr, nous sommes responsables d’être devenus parents, mais la société ne nous y incite pas, bien au contraire. On nous parle d’une situation trop compliquée et que pour une personne déjà « normal », c’est déjà un défi. Et c’est en partie vrai, car le défi est immense. Mais c’est un défi que certains comme moi rêvons de vivre.

Pour pallier à nos handicaps, on finit pas faire des trucs bizarres pour s’en sortir, pour se lever et avancer, pour aimer, pour partager. Et c’est aussi de ces drôles de méthodes que je veux vous parler, de ces adaptations qui ne sont pas des opportunités, mais une nécessité pour une vie sécurisante et épanouie. Bien sûr, j’entend bien qu’il y a des excès, des personnes qui voient un profit dans le handicap, l’occasion d’obtenir des avantages et de s’enrichir, mais pour la majorité, il s’agit de se réinventer avec les seuls moyens à notre disposition. C’est de ça que je vais vous parler dans ce blog.

Le vrai prix de la victoire

Ceci dit, je dois bien avouer que malgré tout, j’ai eu un vrai coup de cœur pour le handbike. Ce handbike n’était pas juste un jouet, mais un outil pour reconquérir ma vie, pour pouvoir enfin suivre mon fils dans ses aventures, pour être un père actif. Le sport est essentiel à mon bien-être, et je sais qu’il doit faire partie de ma vie. D’ailleurs, du fait de mon manque de mobilité, je dois même en faire davantage. Tant que cela ne me prend pas sur le temps de ma famille, c’est un équilibre que je suis prêt à maintenir. Au contraire, c’est même l’occasion de me retrouver avec eux pour faire du sport. Le handbike est un prolongement de moi-même, un moyen de rester dans la course, pas celle des médailles, mais celle du quotidien avec ma famille. Et si un jour je parviens à aller plus loin avec, alors tant mieux ! On peut toujours rêver.


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2 thoughts on “Papa : la preuve vivante que je n’étais pas si normal que ça.

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